Lectures du jour : (Ez 34, 1-11) – Ps. 22 – (Mt 20, 1-16)
Nous sommes le 21 août. Pendant toute ma jeunesse, cela a été un jour terrible : le jour de la fin des camps. Le jour où on est heureux des activités hors du commun, des feux de camp, des rires et des chansons à la guitare, riches de l’amitié vécue… mais c'était aussi le jour des retours dont on n’a pas envie, de la fratrie et de l’autorité auxquels se confronter, avec en perspective la rentrée des classes. Ce jour était horrible pour nous, et pour mes parents aussi je pense ; en particulier pour mon père dont on fêtait l’anniversaire chaque année... en se disputant ! J’ai donc une pensée toute particulière pour lui ce matin, et pour tous les jeunes de retour de camp et pour leurs parents !
La première lecture du jour est extraite du livre d’Ezéchiel, au chapitre 34 :
« Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ? (…) Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles », dit le Seigneur. Une idée reprise dans le psaume 22, avec une formule bien connue : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. (…) Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre. »
Faire revivre en paix, mené par le Seigneur vers des prés d’herbe fraîche... c’est peut-être ce dont nous parle, d’une autre manière, l’évangile avec la parabole de l’ouvrier de la dernière heure. Vraiment ? Quel rapport ?
Méditation
Il m’est arrivé souvent, dans mon travail, de recevoir dans mon bureau des collègues qui râlaient parce qu’ils ne trouvaient pas cela normal de recevoir le même salaire que les autres. Les autres, ce sont leurs collègues, ceux qui, disent-ils, ne travaillent pas autant qu’eux, ne produisent pas un travail d'aussi bonne qualité que le leur, ne prennent pas leurs responsabilités, ceux qui arrivent en retard, qui partent trop tôt, qui passent trop de temps à discuter à la pause-café ou à la pause-déjeûner, ceux qui ne voyagent jamais ou qui voyagent trop... etc. etc.
J’ai aussi reçu des collègues déçus de ne pas avoir reçu la promotion espérée ou un avantage attendu. Certains se plaignaient de ce que Un Tel gagne plus, ou bénéficie de facilités particulières – par exemple un aménagement horaire. Ils étaient déchirés.
Que répondre ? Que dire ? Je vous avoue que j’ai souvent dû tourner ma langue sept fois dans la bouche pour ne pas leur citer l’évangile que nous venons d’entendre : Mt 20, 1-16. Oui ! Oh, pas pour leur citer le verset qui évoque leur contrat signé : « N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? » ! Ni pour dire : « Prends ce qui te revient, et va-t’en. ». Ou encore « N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens » (entendez : « de mon budget »).
J’avais envie de leur citer (et leur commenter) les deux versets qui renversent la manière de voir la situation et de trouver la paix :
(v.4) Le maître dit au 2e lot d’ouvriers qu’il embauche : « Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste. » Donner-Recevoir ce qui est juste.
(v.15) « Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » Parce que je suis bon.
A mes collègues, j’avais – et j’ai encore - envie de citer Mt 20 parce que cette parabole nous dit que Dieu, lui, « donne ce qui est juste ». Sa justice n'a ni premiers ni derniers. La justice de Dieu choisit la joie pour tous : la joie de servir, la joie de contribuer, la joie de recevoir et de témoigner. Elle est la même pour tous : homme ou femme, à temps plein ou temps partiel, acharnés ou peu empressés, en forme ou malade, en difficulté ou pas, ouvriers de la première ou de la dernière heure. J'avais envie de leur dire : Et pourquoi ne pas s’essayer à cette joie ? Pourquoi ne pas oser « s’ajuster à Dieu », « être juste devant Dieu ».
J’avais envie de citer aussi le verset 15 « parce que il (Dieu) est bon ». Pour sa vigne, pour le Royaume, Dieu porte sur chacun un regard positif, sans jugement, un regard qui donne de la dignité à chacun. Il donne à chacun une place, une reconnaissance, une valeur qui n'attend pas que l’on soit efficace ou performant ! Une valeur à accueillir tout simplement, dans un état d’esprit qui libère. J'avais envie de leur dire : Et mourquoi ne pas s’essayer à être toujours positif avec les autres, chacun des autres ? On appelle cela « être miséricordieux »...
Enfin, j’avais envie de leur citer cet évangile, ces versets, parce que je me sais bénéficiaire de la justice et la bonté divine, et que je veux en être témoin en paroles et en actes.
Mais on est dans le monde du travail. On y prône l’égalité (pas l'équité), l’objectivité, la performance, la qualité, le respect de la loi et du contrat. La justice et la bonté « à la Dieu » ont-elles une place dans le monde professionnel ? Doivent-elles y avoir une place ? La question est ouverte. Moi, je pense que oui : la bonté et la justice comme celle du maître de la parabole de l’ouvrier de la dernière heure, doivent avoir une place au travail. Ce monde n’est-il pas simplement une partie du Royaume ? Une partie de « l’écosystème » Royaume ? Sinon, à quoi bon ?
Seigneur, conduis-nous vers les prés d’herbe fraîche. Donne-nous de rayonner ta justice et ta bonté dans notre vie, notre travail, notre famille, notre communauté. Donne-nous de trouver les mots pour te dire et aussi d’avoir le courage de te dire. Amen.
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