C'est la fête de Saint Benoît. Patron de toute l'Europe, Messager de la paix, Architecte de l'unité, Maître de la culture et de la civilisation, Héraut de la foi chrétienne, Fondateur du monachisme occidental - ce n'est pas moi qui le dit, mais c'est ainsi que Paul VI en parlait. Solennité ! Il a fixé la date : le 11 juillet, anniversaire de la translation de ses reliques en 655 à l'abbaye de Fleury (France) renommée pour l'occasion Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.
D'aucuns pourraient s'étonner qu'on ne fête pas Benoît le 21 mars, date anniversaire de sa mort à Monte Cassino. Si-si : les bénédictins le fêtent ce jour-là aussi !
Donc, la tombe du saint ne serait donc pas à Monte Cassino (comme le dit Wikipédia) ?! Si-Si, en partie ! Débroussaillons... Ou plutôt rapportons [1] :
« Un jour que l’abbé Mommolus lisait, il trouva dans un livre de saint Grégoire comment saint Benoît avait fini sa vie au mont Cassin et comment celui-ci avait su par l’esprit de prophétie que son abbaye serait détruite. Tandis que Mommolus pensait à cela, une vision lui vint dans laquelle il lui fut dit d’envoyer un de ses moines au mont Cassin pour rapporter en son monastère le corps de saint Benoît. Mommolus avait avec lui un moine appelé Aigulfe qui menait une vie sainte, [...] et à qui Mommolus ordonna d’aller en Lombardie [...].
Pendant ce temps, en la cité du Mans, une vision apparut à des gens sages pour qu’ils se rendent au mont Cassin et en rapportent le corps de sainte Scholastique, soeur de saint Benoît. Ils se préparèrent, partirent, et par hasard ils furent hébergés un soir à l’abbaye de Fleury alors qu’Aigulfe devait partir pour la Lombardie. Les deux parties se mirent d’accord pour que ceux du Mans accompagnent le moine de Fleury. [...]
Quand ils furent à Rome [...] ceux du Mans dirent au moine qu’ils voulaient y rester pour accomplir un pèlerinage dans les lieux saints, mais Aigulfe, qui voulait parfaire ce qui lui avait été commandé, préféra aller au mont Cassin. [...] Il y trouva un tombeau [...] qu’il ouvrit et dont il mit tout le contenu dans un panier. Cela accompli, ses compagnons qu’il avait laissés à Rome le rejoignirent, mais il avait déjà tout fait et ils s’en retournèrent [...].
Ils arrivèrent dans un village appelé Bonie, dans le diocèse d’Orléans. [...] Un aveugle vint par hasard et pria saint Benoît qu’il lui rendît la vue. Aussitôt il vit clair et rendit grâce à Notre Seigneur qui lui avait fait retrouver la vue par le mérite de saint Benoît. En ce même lieu il y avait un autre homme qui ne pouvait marcher et était obligé de se traîner par terre. Il rampa tant qu’il vint jusqu’aux reliques et pria saint Benoît qu’il lui donnât la santé. [...] Il se redressa et partit sain, rendant grâce à Notre Seigneur. [...]
Arrivés à Fleury, ils furent accueillis par une grande procession de gens venus à leur rencontre. Ceux du Mans réclamèrent le corps de sainte Scholastique qu’ils étaient venus chercher. Mais Aigulfe leur dit qu’on ne pouvait séparer les corps de ceux qui avaient partagé la même sépulture. Ceux du Mans répondirent que les corps de deux si grands saints ne devaient pas être en un seul lieu, que la dame devait être à l’endroit qu’elle avait désigné par révélation. [...]
Mais ils ne savaient pas comment répartir les os qui avaient été mélangés. Ils se décidèrent à mettre les plus gros d’un côté et les plus petits de l’autre, car il leur semblait que ceux d’une femme ne devaient pas être aussi gros que ceux d’un homme. Quand ils eurent fait cela, le doute ne les quitta pas pour autant, mais Notre Seigneur y mit fin car on leur apporta le corps de deux enfants morts, un garçon et une fille. Ils mirent le corps du garçon auprès des os les plus gros, celui de la fille auprès des os les plus menus. Aussitôt les enfants ressuscitèrent, lui par le mérite du confesseur, elle par celui de la Vierge. Quand le peuple vit ce miracle, il rendit grâce à Notre Seigneur. Ensuite, ceux du Mans emportèrent avec grande joie le corps de Sainte Scholastique et établirent une abbaye en son honneur [...].
Mommolus et Aigulfe le moine emportèrent le corps de saint Benoît et le mirent en l’église Saint-Pierre en attendant de choisir un endroit sûr et digne de lui. Une nuit qu’il priait Notre Seigneur pour qu’il lui montre où mettre le corps, Mommolus vit une grande clarté sur la façade de l’église Notre-Dame [...]. Et en ce lieu il mit le corps de saint Benoît. »
Vers 752-754, il semblerait que des moines de l’abbaye du Mont-Cassin vinrent récupérer les reliques de saint Benoît sur ordre du pape Zacharie et du roi Pépin le Bref. Ils repartirent avec seulement quelques os... Le saint est donc bien à Fleury ! [2]
J'en ai parlé à mes expertes préférées en affaires bénédictines, qui m'ont dit que finalement cela n'avait pas d'importance de savoir quels ossements de qui où. La châsse à Fleury, le tombeau à Monte Cassino, d'autres des reliques ailleurs... Je leur accorde volontiers. J'ai fait la fête avec elles à Hurtebise et c'est bien ainsi !
Mais ça m'a donné envie d'aller jeter un oeil sur les bords de Loire - on ne se refait pas. Et il faudra que je me penche un peu sur l'histoire des ossements de sainte Scholastique, patronne du Mans !
Sur ce, bonne fête à tous et toutes et en particulier à mes chères amies bénédictines vivant sous son aile...
[1] D’après une traduction du XIIIe siècle (BNF, Ms fr. 13 496 publié dans Alexandre Vidier), L'historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire et les Miracles de saint Benoît, Paris, Picard, 1965, pp.
[2] Dom François Chambard de Ligugé (1882) - Les reliques de saint Benoît, https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/benoit/reliques/reliques.htm.
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