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Lettre à une migrante


Que fais-tu là, seule, immobile, depuis toutes ces semaines, à faire le pied de grue au vent de la crête ? Attendrais-tu de sauter dans un train pour rejoindre Gibraltar, pour voyager en groupe et maximiser tes chances d'atteindre des horizons meilleurs ?


Les semaines se suivent, le froid arrive, et tu es toujours là, à l'affût. Que sont devenues tes amies rencontrées l'autre jour ? Sont-elles parties sans toi ? Quel combat devras-tu encore mener, quel danger devras-tu encore vaincre avant d'arriver ?


Ce matin, je t'ai cherchée. Je me réjouissais de notre rencontre. Tu n'étais pas là.


Es-tu partie ? Ou as-tu renoncé à partir ? Te trouvais-tu trop vieille, trop fragile, incapable finalement de prendre la route ? Prête à mourir de froid, de faim, de misère après avoir été prête à tout ? L'idée ne me plait pas.


En chemin, j'ai rencontré une grue. Avec de belles longues jambes, comme toi.  Je l'ai prise en photo. Ce que je n'ai jamais fait avec toi par peur de te compromettre. L'image n'est pas nette. Elle non plus.


La neige va bientôt tomber. Elle me rappellera ta blancheur, ta beauté, ton élégance.


Où es-tu ? Survivras-tu ?


 

Petite explication off :


Une cigogne blanche est posée depuis la mi-septembre sur un pilône de la E25 à hauteur de Sprimont. A chacun de mes passages vers le Sud (de la Belgique), je me plais à imaginer sa vie, ses attentes, ses projets.


Je l'ai vue un matin avec plusieurs couples, un sur chacun des pilônes alignés. J'ai pensé à un départ imminent. Mais je l'ai revue plus tard, seule...


Aujourd'hui, sur la crête, avant de descendre vers "son" pilône, j'ai découvert une grue (de chantier) qui m'y a fait penser. Je trouve qu'elle lui ressemble. Mêmes longues jambes, même long bec. Elle faisait le pied de cigogne en attendant de monter l'éolienne, la génératrice de courant d'air, dont j'avais aperçu les premiers éléments déposés la semaine dernière. Je l'ai prise en photo de la voiture, sans m'arrêter.


Alors je me suis surprise à me réjouir de revoir ma cigogne un peu plus loin. Mais elle n'était pas là. Il faisait froid et il pleuvait.


Alors j'ai décidé de lui écrire... Elle, la migrante sur le départ.



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