Lectures du jour : (1 Co 3, 1-9) - Ps 23 - (Lc 4, 38-44)
Comme j’ai déjà commenté l’évangile du jour, je vous propose de méditer la première lecture. Je ne pense pas que ce soit un mauvais choix…
Face aux difficultés rencontrées à Corinthe avec les premiers chrétiens, Paul rappelle « quelques fondamentaux », comme on le dirait aujourd’hui : lui et Apollos sont serviteurs du Seigneur, ils agissent selon les dons reçus, on n’appartient pas à l’un ou à l’autre, c’est le Seigneur qui est et doit être au centre. C’est Dieu qui faire croître, c’est Dieu qui cultive le champ, c’est Dieu qui construit la maison.
La formule qui m’interpelle le plus aujourd’hui est celle-ci, que dit Saint Paul : « Nous sommes des collaborateurs de Dieu ! ». Ca me plait bien, comme expression !
Le premier sens du mot collaborer est le « co-labeur », autrement dit le travail ensemble. Cela donne à chacun un rôle actif, une responsabilité, dans une relation confiante pour arriver à quelque chose ensemble.
Je vous partage donc ma réflexion au départ de cela : « nous sommes des collaborateurs de Dieu ». Je l’appuie sur quelques lectures bibliques et sur une littérature à laquelle je n’avais encore jamais accédé : des théologiens chrétiens catholiques, protestants, orthodoxes, parfois très très anciens, et aussi des spécialistes du monde du travail et de l’évangélisation [1].
Dès le début du livre de la Genèse, nous rencontrons un Dieu à l’œuvre, collaborateur et créatif. Nous le voyons créer Adam et Ève à son image ; il crée des êtres capables de collaborer avec lui et les uns avec les autres. Ce désir de Dieu de collaborer avec son peuple se voit à de multiples occasions dans les récits où Dieu interagit avec Noé, Abraham, Moïse, les prophètes et, enfin, avec Jésus-Christ. Maintenant c’est à notre tour !
La nature collaborative de Dieu s’exprime dans la Bible à travers trois axes : amour, unité et diversité. La finalité du « travail » de Dieu est que l’ensemble de la création trouve sa plénitude, c’est l’établissement du Royaume, création comme milieu de la vie éternelle. « La symbolique du Royaume renvoie à un ordre politique, social, culturel, économique et écologique dans lequel les efforts des créatures ne sont pas ou plus source d’aliénation, mais lieu d’accomplissement, dans la paix et la justice. En Jésus-Christ, Dieu travaille pour l’avènement de ce Royaume. La forme principale du travail de Dieu est le service. (…) La spécificité de ce travail, c’est que Dieu ne le fait pas seul – autrement dit, que toutes les créatures sont appelées à prendre part au travail en vue du Royaume en fonction des charismes. » [2]
Quel est notre travail, notre nature collaborative, à nous, les collaborateurs, collaboratrices de Dieu ?
Le mot grec utilisé dans le texte pour dire « collaborateurs » est « synergia ». On entend tout de suite le mot « synergie ». A l’époque du Christ, le mot était en effet employé pour désigner des collaborateurs. Aujourd’hui, le sens de synergie a un peu évolué : 1 + 1 font plus que 2. Les effets combinés sont plus que la somme des effets individuels ! J’aime bien l’idée de dire que l’effet de la collaboration de Dieu et l’homme, font plus que deux ! « La collaboration de l’homme à la collaboration de Dieu » [2]
Les anglais ont un mot pour dire les acteurs de la synergie : les synergistes ! On reconnaît un synergiste à ce qu’il s’épanouit en compagnie des autres, à ce qu’il est doté d’intelligence émotionnelle; il est doué pour les relations humaines et l’établissement de relations solides. C’est tout nous, ça ! C’est tout Dieu !
Le synergiste, dit-on, sait lire les individus, être persuasif sans être manipulateur. Il se demande ce qui est mieux pour chacun et pour tous, plutôt que ce qui est mieux pour lui. C’est tout Dieu, ça ! Et parfois, c’est tout nous …
Envisager qu’avec Dieu, on peut faire plus que 1 + 1, c’est intéressant. C’est même emballant. C’est probablement ce que Paul, Apollos et tant d’autres ont expérimenté. Pour eux-mêmes d’abord, personnellement, et pour/avec les autres.
J’ai enfin appris que « synergiste » ou « synergique » se disait aussi de la doctrine théologique selon laquelle la volonté humaine coopère avec la grâce divine dans le processus de salut. Un autre beau concept, un thème cher aux catholiques et aux orthodoxes, mais qui nous écarte un peu de l’action de semis, d’arrosage et de croissance dont parle Paul… [3]
Au fur et à mesure de mes lectures, je suis revenue au texte, pour y relire que, synergiste ou pas, nous sommes un champ que Dieu cultive, une maison que Dieu construit. Ce champ, cette maison, nous l’habitons. Puissions-nous en faire un terrain de collaboration, un terrain d’action, un terrain de récolte abondante. Par et avec la grâce de Dieu. Amen.
[1] Gn 1, Maxime le Confesseur, Jacob Arminius et John Wesley, Miroslav Volf, Mouvement de Lausanne, Elio Jaillet, Phlippe Landrevie, Julija Vivovic,
[2] Elio Jaillet, https://eliojaillet.ch/le-dieu-collaborateur/
[3] J’arrête là la référence au synergisme, qui est complexe, surtout dans ses déclinaisons conceptuelles multiples.
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